introduction (souvenirs)

Mes premiers livres





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Figure 003: La maison de mes grands parents maternels (Lichtenberger) à Athus:
On voit encore la vitrine de l'épicerie de ma grand-mère. "La tante Adolphine" habitait l'annexe du Fond. La maison rouge appartenait aussi à mes grand parents. Quand j'étais petit, il n'y avait ni route ni trottoir. Le parc en face de la maison était une annexe de la gare de triage d'Athus. Cette ennexe était clôturée par des traverse (bille) de chemin de fer. Avant que mes grands parents n'achètent la maison, elle servait de gendarmerie.

a) Tintin





Mon oncle Ernest (Monni Ernest comme on disait à Arlon) m'avait acheté mon premier album de Tintin en 1944 dans une librairie qui n'existe plus. Nous fîmes ensuite une grande promenade, lorsque des avions américains ont bombardé des maisons civile rue des faubourgs (les pilotes étaient sans doute ivres et se trompèrent de cible), tuant un imprimeur et sa femme. Nous étions dans les parages et nous somme revenus en courant à la maison. J'ai donc lu mon premier Tintin: L'Île Noire.

J'allais souvent en vacances à Athus, chez mes grand-parents. Il y avait moins de verts ce qui rendait l'endroit plus calme. Mes parents donnaient des instructions très précises à ma grand-mère. Je ne pouvais pas aller jouer dans la gare de triage (derrière les billes comme on disait) avec mes cousins et cousines. Mes parents savaient que je rêvais de la locomotive de manoeuvre, une T53, qui circulait là. Je ne pouvais pas non plus fréquenter ce que l'on appelait des gosses de rue. Je devais donc rester dans le jardin de ma grand mère et jouer avec ma cousine Juliette. Ma grand-mère tenait une épicerie. Mon grand-père et mes oncles étaient plafonneurs et revenaient le soir de leur travail. Ma tante Adolfine avait quatre enfants, elle faisait la cuisine, son ménage et sa lessive: elle n'avait pas beaucoup de temps libre. Mais elle faisait des caramels et des gaufres et c'était bon !

Je pouvais aller chez "le" Jean Bouté. Ses parents étaient convenables, parce qu'ils convenaient aux miens (ça c'est une référence!). En plus, "le" Jean Bouté avait un album de Tintin qui me faisait rêver: "Tintin au Pays des Soviets". On plaçait l'album sur une table et on le feuilletait soigneusement pour ne pas l'abîmer. Même mes cousins et cousines arrêtaient leurs "jeux dangereux" pour venir lire ce livre. C'était de L'anticommunisme "bêbête", mais pendant la guerre nous n'étions pas à une connerie près. Beaucoup étaient encore plus anticommunistes qu'antisémites. Ce qui est important, c'est d'être "anti" quelque chose; en fait, je crois que le fond est mauvais, il fallait haïr quelqu'un !

A la maison, au grenier, nous avions une pile de numéros du Soir d'avant-guerre. Il y avait chaque jour quelques cases du "Crabe aux pinces d'Or". Etais-ce paut-être le Soir de la guerre, celui des collabos, je n'en sais rien et je m'en foutais. Ce que je savais, c'est que mes parents ne mangeaient pas de ce pain-là. De toutes façon j'aimais Hergé, et collaborateur ou non, c'était un artiste.

Aprés la guerre, "le" mony Ernest s'enrôla dans le CIC un service secret de l'armée américaine: je pense d'ailleurs qu'il a toujours appartenu à ce corps. Il avait une Jeep et une auto civile. Un jour il décida d'aller à Bruxelles en m'emmenant ainsi que mon cousin Jean. C'était en 1945, et nous avons traversé l'Ardenne. Il y avait des débris d'avions, de tanks et de Jeeps dans tous les champs. Je me demande comment on a nettoyé tout cela. A Bruxelles, je logeais rue Rossini chez le cousin Maurice. Le cousin Maurice était un colonel antimilitariste (yessss, ça existe). C'était un héros de la guerre de 14-18. Il commanda ensuite la place de Kontich, où l'on conservait des vêtements pour soldats (un pacifiste, ça se cache). C'est lui qui disait "Quand tu as passé une nuit blessé sur un champ de bataille entouré des copains qui hurlent, tu deviens antimilitariste, l'armée ça doit défendre la patrie, ça ne sert pas à attaquer ses voisins".

Il avait une fille, "la" Francine. Francine avait décidé de nous faire visiter Bruxelles. Au cours d'une de ces visites, je crois que c'était au "Bon marché", il y avait une pile d'albums rouges "le Lotus Bleu", des albums de Tintin. Francine m'en a acheté un et je l'ai encore. Pour ceux qui disent que Hergé était raciste, je les prie de relire ce Tintin-là. En fait Hergé était comme les gens de son temps, ceux de ce temps-là.

Mon oncle Marcel, qui était missionnaire jésuite et chirurgien en Chine prit cet album et à l'aide d'un pinceau chinois, y a dessiné des caractères chinois. Il m'a même traduits les textes chinois et japonais. Il m'a dit que la seule erreur du livre était la largeur trop grandes des pousse-pousses. Par contre m'a-t-il appris, ils ont bien représenté les japonais. Mon oncle considérait les japonais comme des êtres sauvages et cruels qui ont traités les chinois comme les boches traitaient les juifs. C'est le Mony Marcel qui m'a fait connaître le "Professeur Cosinus", la "Famille Fenouillard" et le "Sapeur Camembert": Il connaissait beaucoup de choses en dehors de la médecine. Il fut professeur à l'Université de Saigon, puis émérite au Faculté ND de la Paix à Namur.

En septembre 1946 parut le premier hebdomadaire Tintin. Chaque jeudi mon père achetait Tintin. On pouvait lire Tintin le jeudi soir après avoir montré que l'on avait bien fait son devoir et que l'on connaissait bien ses leçons. Tintin était un journal assez bourgeois, nous achetions aussi Spirou, mais en Albums. Nous lisions aussi "Vaillant", un journal communiste bien illustré (avec Pif le chien et Arthur le petit fantôme).





b) Spirou, Bravo etc....





Le cousin Maurice avait un frère qui est mort et quatre soeurs, l'une était religieuse chez les Ursulines à Bruxelles, elle dut avoir Eva Braun (la maîtresse d'Hitler) comme élève. Ses trois autres soeurs fabriquaient de la cire à cacheter rue Rossini. Mais, et c'est ici que commence l'histoire, elles lisaient Spirou et avaient une collection complète de tous les Spirous d' avant la guerre. C'est là que j'ai appris à connaître ce journal. A partir de ce moment nous avons commencé notre collection familiale de Spirou. C'est dans Spirou que nous avons appris à admirer les pieds de la princesse Tutu, sa transfomation en étoile filante ...

Il y avait aussi des bandes dessinées chez ma grand mère. On lisait le "Pic de l'ami Randol", les aventures de Zozo et celles du capitaine Vica. Il y avait aussi des albums Tintin en noir et blanc, mais ils n'avaient pas le succès de celui de chez Jean Bouté.

Nous lisions aussi "Bravo". C'est là que j'ai lu "Les aventures de Bimelabomelatoumeleke et de sa petit soeur Cibiche" par Jacques Laudy, ainsi que "Le rayon U" par Edgar Pierre Jacobs. Bimlabom était l'histoire de deux petits enfants perdus dans la forêt et qui rencontrent des sorcières. Avec "le Rayon U" Edgar Pierre Jacobs nous faisait déjà rêver, il savait raconter des histoires aux gosses et dessiner des endroits qui les faisait rêver. Ses héros avaient des noms anglais, or il y avait une censure boche. En 1946, Edgar P Jacobs a commencé à publier le "Secret de l'Espadon" dans Tintin. Nous en parlions sur le chemin de l'école et dans la cour de récréation. Je préferrais Jacobs à Hergé.





c) les autre livres





Mon père m'amenait tous les dimanches à la bibliothèque des Jésuites d'Arlon, là où il y a maintenant un Supermarché. C'est là que j'ai découvert Jules Vernes. C'est au Père Marcotti que je dois d'avoir fait cette découverte.

Jules Vernes me fit rêver. J'ai lu et relu "L'Île mystérieuse". Cela me donnait des rêves "chimiques": je rêvais de reproduire certaines expériences décrites dans le livre.

Un après-midi je suis allé chez le droguiste de la rue de Diekirch pour acheter un kilo d'acide nitrique concentré. Tenant la bouteille par le bouchon, je l'ai ramenée à la maison. Mon père servait un client. Il ma demandé ce que je ramenais. Je lui ai répondu un kilo d'acide nitrique concentré. Il m'a répondu que c'était bien. Mais ce n'était pas bien. Un droguiste ne doit pas vendre de l'acide nitrique concentré à un gosse, je pense qu'il ne doit pas en vendre à un adulte non plus: la bouteille aurait pu tomber en rue, se briser et le contenu aurait pu éclabousser le gosse. Ensuite, on ne prend jamais une bouteille par le bouchon, même si cela paraît plus facile: à l'époque il n'y avait pas de règles de sécurité. Si j'avais ramené de la limonade, mon père aurait dit que c'était mal, mais l'acide nitrique concentré, ça ne pouvait qu'être bien. Une de mes petites soeurs avait été chez ce même droguiste et demanda des "Tampax". Le droguiste lui dit qu'elle était trop petite pour ce genre de produit: il y avait en effet en vitrine une publicité qui disait qu'avec Tampax on nageait sans problème ... or ma soeur ne savait pas nager !

Je suis ensuite allé chez ce même droguiste acheter un kilo d'acide sulfurique concentré, puis de la glycérine. Je ramenais ces produits à la maison. En fait, je voulais simplement faire de la nitroglycérine comme dans le roman de Jules Vernes. Si vos enfants ramènent ces produits à la maison, surveillez leurs lectures !

Heureusement, cela ne marche pas, on ne fait pas de la nitroglycérine en mélangeant simplement les constituants ! Mon oncle Marcel m'a expliqué pourquoi, et aujourd'hui je saurais synthétiser la substance ... Je ne vous donne pas la recette, je ne veux pas terminer mes jours à Guantanamo.

Je n'étais pas découragé par mes échecs. Je suis allé prendre de l'ouate à la salle de bain pour faire du fulmicoton (un autre explosif puissant décrit par Jules Vernes dans le même livre). Je savais que l'ouate était du coton: lire Jules Vernes c'est éducatif ! N'essayez pas de faire du fulmicoton en versant le l'acide nitrique concentré sur de l'ouate, vous seriez déçus. Les recettes de Jules Vernes sont incomplètes et heureusement, dirait vos parents !

Finalement mon oncle Marcel m'apprit à faire des fusées et cela marcha: elle ne s'élevaient pas, elles se déplaçaient rapidement au sol au point que mon père aurait dit "tiens, il y a une souris ici". Je ne vous dirai pas non plus comment j'ai fait ces fusées, et ce malgré les supplications d'un copain de cours chirurgien qui veut acheter une nouvelle Porsche).

Mon père encourageait mes tentatives. Quand il allait à Bruxelles, il allait chez Van der Heyden, rue du Marais pour m'acheter du matériel scientifique. Au grenier il y avait aussi des livres de chimie. Ils étaient plus pratiques que les romans de Jules Vernes. Mon père ramenait aussi des pralines de Bruxelles (c'est nettement meilleur et surtout moins dangereux).





c) les autre livres





J'ai raconté mes aventures à ma grand-mère.

Ma grand-mère était en quelque sorte la confidente de mes "conneries". Mon oncle Marcel (le jésuite dont je vous ai déjà parlé "de") me dit-elle avait aussi un petit labo quand il était gamin. Mais comme à Athus les droguistes n'étaient pas fort achalandés, Mon oncle Marcel s'introduisait la nuit et en cachette dans le labo que les boches avaient à Athus pendant la guerre de 14-18. Il aurait notamment ramené une bouteille de mercure. Voulant savoir ce que c'était, ma grand mère avait ouvert la bouteille. Une goutte de mercure serait tombée sur le sol. Elle se serait divisée en petites gouttes en tombant. Ma grand mère est allée de suite à la cuisine chercher un torchon, mais me dit-elle: le torchon ne servit à rien. "Tu le poses sur un goutte de mercure, elle se subdivise immédiatement en de multiples petites gouttes qui se sauvent au loin sous les meubles". Par contre son alliance était devenue toute blanche. Elle est allée chez "Bussienne" l'horloger du village pour lui raconter l'histoire. Celui-ci lui a dit qu'il suffisait d'attendre, que l'amalgame allait disparaître et que son alliance serait comme avant. "Vois-tu" me dit-elle me montrant l'objet, "il avait raison". Elle aurait du peser son alliance avant puis après !

Jules Vernes est peut-être éducatif, mais rien ne vaut une bonne grand mère !

Mon oncle Marcel et moi sommes devenus des gens de labo sans enrichir les chirurgiens. Il y a des gens de labo qui d'abord passent par l'hôpital comme patients. Ils n'ont pas vraiment la vocation !

Il y avait d'autre livres à la maison.

Ainsi, il y avait la thèse de Rommel. Le livre était en allemand et en caractères gothiques. Il traitait de la guerre moderne, avec des chars. Cela ressemblait à du De Gaule. Le sujet ne m'intéressait pas, je n'ai donc pas lu le livre complètement. Je pense cependant que si "nos stratèges" l'avaient lu, il n'aurait pas tenté d'arrêter l'invasion allemande de mai quarante en plaçant trois troncs d'arbre au niveau de la maison Rodesch dans l'avenue de Mersch. Je pense que nos stratèges parlaient le flamand et ne connaissaient certainement pas l'allemand ... Quant à lire le gothique, n'en parlons pas !